Yi Jing, Le Livre des Changements

Traduit & expliqué par Cyrille J.-D. Javary et commenté en collaboration avec Pierre Faure

Parvenu il y a moins de trois siècles en Occident, le Yi Jing y a toujours été considéré de manière excessive. Les sinologues l’ont longtemps rejeté, laissant les missionnaires le traduire, soit pour le critiquer, soit pour le convertir en lui ajoutant une dimension divine assez étrangère à la pensée Yin-Yang. Jamais ne s’était penché sur le Yi Jing quelqu’un qui connaissait à la fois le chinois et le Yi Jing. Voilà pourquoi cet ouvrage qui montre un Yi Jing raisonnable, efficace et rigoureux marque un tournant dans le regard sur le Livre des Changements.

La traduction de Cyrille J.-D. Javary, par une étude minutieuse qu’il ne serait pas excessif de qualifier de structuraliste, non seulement fait apparaître la finesse totalement méconnue de l’organisation du texte archaïque et du système de graduation des indications stratégiques qu’il contient, mais de plus, par la hardiesse de ses choix rend vivant les mots qu’il contient en en renouvelant complètement moins le sens que la portée. Il est le premier par exemple à rendre aux nom des hexagrammes leur valeur d’indication stratégique en les rendant par des verbes et non des substantifs : ce qu’on croyait être une dissertation sur « la durée » (hexagramme 32) devient un injonction à « endurer ». Pour la première fois aussi tout le vocabulaire divinatoire imposé par les missionnaires et répété depuis lors sans que nul ne s’interroge sur son opportunité, est rejeté au profit de termes plus neutres, plus abstraits, qui semblent plus appropriés à l’analyse énergétique caractéristique du Yi Jing : ainsi les appréciations « fortune » & « infortune », références saugrenue à cette déesse de l’antiquité romaine qui fait tourner sa roue dans une lame du Tarot, deviennent simplement « ouverture » & « fermeture ».

L’ensemble prend alors une toute autre signification et l’aspect manuel d’aide à la prise de décision du Yi Jing ressort alors avec plus de clarté. Sur cette base solide et précisée par des explications sinologiques détaillées des noms des hexagrammes et des principaux termes chinois, les commentaires généraux, rédigés en collaboration avec Pierre Faure, plutôt que d’insipides paraphrases ou d’obscures digressions, précisent simplement les stratégies que le texte et les rouages du Livre des Changement proposent pour chacun des six tournants des soixante-quatre situations -type. La présentation des textes, en faisant ressortir la structure interne du système du Yi Jing, non seulement rend son emploi plus facile mais également révèle l’originalité de ce « plan du monde » en perpétuel changement dont la dynamique affleure à chaque niveau de sa description et dont la structure sans échelle pourrait bien ressembler à ces constructions « fractales » que l’on découvre de plus en plus présentes au sein des agencements dynamiques et des formes vivantes.

Enfin, et ce n’est pas le moindre de ses atouts, ce nouveau regard sur le Yi Jing nous l’offre débarrassé du vieux malechauvinisme du XIX° siècle. Ce vieux classique commencé à l’age du bronze qui, comme le dit le sinologue François Jullien est sans doute, « de tous les livres qu’ont pu produire ou rêver les diverses civilisations, le plus étrange » n’est apparu si moderne et si actuel.